Convoquant de multiples formes d’expression, trois artistes — Damien Brailly, Chloé Colin et Ana Siekierska — ont mis en commun leurs savoir-faire pour réaliser, pendant deux ans, un projet participatif avec les habitants du quartier de la Plata à Tarare. Leur démarche visait à valoriser un ensemble architectural en train de disparaître et à inventer, sur la base d’une mémoire commune, un avenir possible pour ce nouveau quartier.
Le quartier de la Plata surplombe la ville de Tarare. Ce vaste ensemble d’habitats collectifs de plus de 250 logements fut construit en 1971 pour accueillir les ouvriers, souvent immigrés, d’une industrie textile alors florissante. En 2001, face aux mutations économiques, un ambitieux plan de réaménagement urbain fut élaboré. Il suscita une forte résistance des habitants, attachés à leur cadre de vie, malgré la promesse de logements plus confortables et plus grands. Ce projet s’inscrit dans un mouvement plus vaste de remise en question des formes d’habitat collectif des années 1970, depuis la destruction emblématique du quartier de Pruitt-Igoe à Saint-Louis (États-Unis) en 1970 jusqu’à celles, plus récentes, de la cité des 4000 à La Courneuve ou de la barre 220 à la Duchère.
Les spécificités architecturales du lieu, son exposition à la lumière, sa topographie, ainsi que la force du lien social qui y persistait, ont retenu l’attention des artistes. Comment expliquer un tel attachement à une architecture souvent décriée ? Dans ce vaste mouvement de rénovation, quels éléments garder en mémoire ? Et comment construire avec les habitants une mémoire commune, à la fois sensible et partagée, qui puisse devenir le socle du futur quartier ?
Pour tenter d’y répondre, les artistes ont imaginé une création collaborative mêlant photographie documentaire, vidéo, peinture, installation et ateliers participatifs. Des ateliers de sténopés et de miniatures du quartier ont permis aux habitants d’expérimenter la fabrication d’images et de maquettes.
Damien Brailly a réalisé une série de photographies documentaires des habitants dans leur quartier, tandis que nous avons photographié ensemble les appartements vides, témoins silencieux d’un monde en train de s’effacer.
Ana Siekierska, quant à elle, a conçu les maquettes du quartier et imaginé la structure du musée éphémère “Platawood”, clin d’œil à Hollywood, pour mettre les projecteurs sur ce quartier qui surplombe la ville.
Parallèlement, j’ai réalisé des portraits vidéo des habitants, chacun accompagné d’un objet, d’une chanson ou d’un élément personnel à partager, pour composer une galerie vivante et émotive du quartier.
Ces images ont donné naissance à une vidéo plus expérimentale sur la construction, dans laquelle les gestes, les visages et la matière du lieu se recomposent en une mémoire en mouvement.
Sous le nom de Platawood, musée éphémère imaginé au cœur de la Plata, nous avons exposé ces créations aux côtés des tapisseries retrouvées dans les appartements. J’y ai peint un lever et un coucher de soleil sur le quartier, comme deux battements de lumière pour accompagner sa transformation. J’ai également mis en place un studio photographique, où les habitants étaient invités à poser « un dernier regard » sur la Plata.
Les portraits issus de ce studio ont ensuite été retravaillés en collages, transformant chacun d’eux en figures de saints contemporains, auréolés de couvertures de survie. Les vidéos, elles aussi filmées sur fond doré, prolongent cette métamorphose : elles révèlent la dignité, la force et la poésie des habitants au moment du passage.
Les portraits issus de ce studio ont ensuite été retravaillés en collages, transformant chacun d’eux en figures de saints contemporains, auréolés de couvertures de survie. Les vidéos, elles aussi filmées sur fond doré, prolongent cette métamorphose : elles révèlent la dignité, la force et la poésie des habitants au moment du passage.
Entre mémoire et renaissance, le projet Archives du futur tisse ainsi un récit collectif fait de matières, de voix et de lumière, où chaque habitant devient le gardien d’un fragment du lieu.
Un projet de Blick Photographie avec le soutien du Fonds de dotation In Pact, de la Communauté de Communes de l'Ouest rhodanien et de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes.