Terre entourée de montagnes, bercée de ses héros légendaires, le Kosovo est marqué d'une histoire contemporaine encore fragile. La photographie ne peut rendre compte de l'hospitalité légendaire du peuple Kosovar, de sa gentillesse, de ses danses au coin du feu, du plaisir et de la nécessité de raconter son histoire. Avec l'aide et le soutien de la ville de Saint-Julien-en-Genevois et accompagnée par Malika Mihoubi et Loïc Xavier, j'ai traversé le Kosovo en février 2020 sur invitation de Shaïp et Luljeta Deda, de l'association Iliria.  
Dans une série personnelle au croisement du documentaire et du poétique, je découvre le Kosovo et ses habitants entre Saint-Julien-en-Genevois et le Kosovo, guidée par le roman Avril brisé d’Ismaïl Kadaré. À travers le prisme du Kanun, je m’attache à explorer une société héroïque et chaleureuse, où l’exil, la mémoire et l’hospitalité tissent un lien invisible entre les montagnes du Kosovo et celles de Haute-Savoie. Ce projet m’a ensuite conduite vers l’Albanie et le Monténégro, dains les montagnes maudites, pour prolonger cette traversée des territoires et des histoires.
"Quoi qu’il fît, il ne pouvait échapper à ses définitions. Il ne devait pas se faire d’illusions. Le Kanun était plus puissant qu’il ne semblait. Il étendait son pouvoir partout, sur les terres, sur les bornes des champs, il pénétrait dans les fondations des maisons, les tombes, les églises, les routes, les marchés, les noces, il gravissait les alpages et montait même plus haut, jusqu’au ciel, d’où il retombait sous forme de pluiepour remplir les voies d’eau, qui étaient la cause d’un bon tiers des meurtres.*
“Vous comprenez, je suis géomètre, j’ai étudié cette science ; j’ai appris à arpenter les terres et à lever des plans. Et malgré tout, j’erre à longueur d’année sur le Plateau sans pouvoir exercer ma profession, car les montagnards ne reconnaissent à un géomètre aucune compétence. Vous avez vu vous-même comment ils règlent les questions de limites. Avec des pierres, des malédictions, des sorcières et je ne sais quoi d’autre. Quant à mes instruments, ils restent enfermés des années entières dans mon sac de voyage. Je les ai abandonnés là-bas à l’auberge, jetés dans un coin.”
Il avait fixé bien des yeux de femmes dans sa vie et beaucoup de ces yeux ardents, pudiques,troublants, délicats, rusés ou fiers, l’avaient aussi fixé, mais jamais de tels yeux. Ils étaient à la fois distants et proches, compréhensibles et énigmatiques, insensibles et compatissants. Ce regard en même temps qu’il éveillait le désir, avait quelque chose qui vous éteignait, vous transportait au loin, au-delà de la vie, au-delà de la tombe, d’où l’on pouvait se regarder avec sérénité.*
Les montagnards ont toujours soigné eux-mêmes leurs plaies et ils continuent de le faire aujourd’hui, avec du raki, du tabac, selon les procédés les plus barbares, comme l’est par exemple l’extraction d’une balle à l’aide d’une autre balle, etc. Ils ne font donc jamais appel aux services d’un médecin.*
Vos livres, votre art, sentent tous le crime. Au lieu de faire quelque chose pour les malheureux montagnards, vous assistez à la mort, vous cherchez des motifs exaltants, vous recherchez ici de la beauté pour alimenter votre art. Vous ne voyez pas que c’est une beauté qui tue.*

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