Quelle place donner à l’imaginaire dans la mémoire et la transmission de l’expérience d’exil ? Dans quelles conditions l’imaginaire peut-il être une source de connaissance, un moyen de communiquer ce qui n’est pas dit, de figurer ce qui n’a pas été vu et vécu ? 
Je me suis alors plongée dans la mémoire de ma famille, j’ai recueilli les histoires, j’ai scanné les archives et documents. J’ai cherché progressivement à confronter mon ressenti à celui d’autres exilés et à leurs descendants, pour comprendre ce qu’Alexis Nouss nomme «exiliance»: «Le noyau existentiel commun à toutes les expériences de sujets migrants, quelles que soient les époques, les cultures et les circonstances qui les accueillent ou les suscitent.»
En 2015, j'ai mis en place avec ma belle-sœur, sociologue, Anna Colin Lebedev, une enquête à Villeurbanne auprès de familles juives arrivées à différentes époques dans le quartier des Gratte-ciel sur la place de l’imaginaire dans la mémoire et la transmission de l’exil. Je me suis appuyée sur cette enquête pour interroger ma propre famille.  Nous avons présenté le résultat  de nos réflexions personnelles sur la mémoire et la transmission dans une exposition en novembre 2016 au Rize  en trois volets : une table ronde "Exil vécu, exil remémoré, exil imaginé", un film "Sur les fleuves des Gratte-Ciel"  et une création visuelle, écrite et sonore Traumland. 
Un projet de Blick Photographie avec le soutien de la DRAC AURA dans le cadre de l'appel à projet mémoire du XXIe siècle et du Rize à Villeurbanne.
SUR LES FLEUVES DES GRATTE-CIEL
Ce film confronte deux origines, qui se croisent et peut-être se confondent : celle d’un quartier utopique, les Gratte-Ciel de Villeurbanne et celle de quatre personnages arrivés dans les années 1930 et 1980. Il questionne également la transmission de gestes et d’émotions malgré soi au-delà de t: oute pratique communautaire,  la différence entre l’attachement et l’enracinement, que je matérialise par la notion de flottement. 
Les protagonistes du film ont tous compensé l’absence du territoire des origines en créant une forme de territoire intérieur à travers la création, qu’elle soit littéraire,  musicale ou linguistique. Il en ressort une réflexion sur le territoire de l’esprit, propre à la culture juive, qui repose essentiellement sur le Livre et qui oriente la structure même de mon film. 
TRAUMLAND
Je pars de l’enquête menée à Villeurbanne pour dresser, à l’instar des protagonistes du film ma carte subjective de la transmission.  En utilisant le procédé de photomontage, je brouille les codes entre le documentaire et la fiction, les photographies de famille et les paysages idéalisés de la carte postale. 
Je cherche ainsi à confronter le «Traum», rêve en allemand et le «Trauma» dans un processus, qui renvoie à la méthode de l’association libre dans le traitement analytique  et aux propositions visuelles du courant surréaliste. Les membres de ma famille apparaissent comme des personnages flottants entre territoires symboliques et imaginés. Ils prennent une place particulière dédiée à chacun dans une histoire complexe, entrecroisement de cultures, d’exil et de terroir. Une autre temporalité se fait sentir avec l’émergence de gestes immémoriaux transmis à travers ces histoires entremêlées de beauté et de traumatisme. 
Le Rize, Villeurbanne, 2016
2 tirages format  70×100, 4 tirages 30×40 contrecollés sur dibond. 
Le film a été projeté sur grand écran à l’occasion de la table ronde puis montré sur un téléviseur avec casque.

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